France / Photographie/ Alain Polo Nzuzi / JE, TU, ELLE…

Un théâtre, une toile, une cavité résonnante. Le corps est de couleur variable. Il répond aux saisons de l’âme. L’artiste s’interroge sur cette enveloppe de chair et de lumière, qui le transporte et par lequel il s’exprime, se définit, et se perd aussi… en conjecture. Le corps est définitif et il ne l’est pas. Le corps est une frontière mouvante. Alain Polo Nzuzi se penche sur lui et le corps le regarde.

Quand on découvre le travail de l’artiste de Kinshasa (RDC), aujourd’hui en France, cette première constatation vient à l’esprit. Dans un article que lui consacrait Yves Chatap, Alain Polo parle d’abord de la masculinité. Effectivement, dans le premier regard que l’on pose sur l’autre, la question arrive. C’est un homme ou c’est une femme ? Il est de quelle couleur ? Et vient alors cette interrogation sur l’appartenance. Alain pose sur ce corps qui est le sien cette question. Puisque c’est aussi par celle-ci que l’on s’affirme et que l’on se construit. La fille, le garçon…

« M𝘰𝘯 𝘤𝘰𝘳𝘱𝘴 𝘢 𝘵𝘰𝘶𝘫𝘰𝘶𝘳𝘴 𝘭𝘦 𝘱𝘰𝘪𝘯𝘵 𝘥𝘦 𝘮𝘦𝘴 𝘳𝘦́𝘧𝘭𝘦𝘹𝘪𝘰𝘯𝘴, 𝘭𝘢 𝘲𝘶𝘦̂𝘵𝘦 𝘥𝘦 𝘮𝘢 𝘭𝘪𝘣𝘦𝘳𝘵𝘦́, 𝘥𝘦 𝘮𝘰𝘯 𝘦́𝘱𝘢𝘯𝘰𝘶𝘪𝘴𝘴𝘦𝘮𝘦𝘯𝘵, 𝘥𝘦 𝘮𝘰𝘯 𝘢𝘧𝘧𝘳𝘢𝘯𝘤𝘩𝘪𝘴𝘴𝘦𝘮𝘦𝘯𝘵 𝘢̀ 𝘵𝘰𝘶𝘴 𝘭𝘦𝘴 𝘤𝘰𝘥𝘦𝘴. » Alain Polo Nzuzi

Depuis sa jeunesse, le photographe (qui est aussi performeur, dessinateur…) passe donc par la photographie pour regarder cet envers du miroir. « 𝘑𝘦 𝘴𝘶𝘪𝘴 𝘢𝘪𝘯𝘴𝘪 ? 𝘛𝘶 𝘦𝘴 𝘢𝘪𝘯𝘴𝘪, 𝘦𝘵 𝘤𝘦𝘭𝘢 𝘵𝘦 𝘤𝘰𝘯𝘷𝘪𝘦𝘯𝘵, 𝘦𝘵 𝘤𝘦𝘭𝘢 𝘦𝘴𝘵 𝘵𝘢 𝘭𝘪𝘣𝘦𝘳𝘵𝘦́. » Il confie ainsi que « 𝘮𝘰𝘯 𝘤𝘰𝘳𝘱𝘴 𝘢 𝘵𝘰𝘶𝘫𝘰𝘶𝘳𝘴 𝘭𝘦 𝘱𝘰𝘪𝘯𝘵 𝘥𝘦 𝘮𝘦𝘴 𝘳𝘦́𝘧𝘭𝘦𝘹𝘪𝘰𝘯𝘴, 𝘭𝘢 𝘲𝘶𝘦̂𝘵𝘦 𝘥𝘦 𝘮𝘢 𝘭𝘪𝘣𝘦𝘳𝘵𝘦́, 𝘥𝘦 𝘮𝘰𝘯 𝘦́𝘱𝘢𝘯𝘰𝘶𝘪𝘴𝘴𝘦𝘮𝘦𝘯𝘵, 𝘥𝘦 𝘮𝘰𝘯 𝘢𝘧𝘧𝘳𝘢𝘯𝘤𝘩𝘪𝘴𝘴𝘦𝘮𝘦𝘯𝘵 𝘢̀ 𝘵𝘰𝘶𝘴 𝘭𝘦𝘴 𝘤𝘰𝘥𝘦𝘴. » Parce que ce corps n’est pas obligatoirement celui dans lequel il avait envie de vivre. Qu’il lui avait été « 𝘢𝘴𝘴𝘪𝘨𝘯𝘦́ » (son propre terme), et il lui fallait maintenant reconquérir un « je » différent.

Les photographies d’Alain Polo Nzuzi sont extrêmement pudiques. Elles suggèrent des choses comme le désir, sans s’appesantir sur « l’obscur objet » dont parlait un certain Luis B., républicain et espagnol. La liberté d’être celui qui n’était pas, de mettre la toile dans le sens que l’on veut. Le haut vers le bas, et le bleu dans l’incertaine candeur de l’incendie. Forcément, ça va froisser certaines certitudes. Ce n’est pas dans la culture dominante de dire sa différence et sa fragilité, de les assumer sans honte et de construire une émotion mature sur ces questionnements. Polo Nzuzi se pose cette question et interroge celles et ceux qui l’entourent. Qui êtes-vous, de quelles certitudes vous êtes construits ?

Roger Calmé (ABA mag’)
Photos : ©Alain Polo Nzuzi https://www.facebook.com/alain.polonz
Etait programmé à l’AKAA 2020 (13 au 15 nov.), dans l’Ycos Project.http://www.ycosproject.com/projets/alain-polo/

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