Le lieu de vie est souvent plus révélateur que l’atelier. Dans un espace consacré à la seule création, le geste, l’envie, la philosophie apparaissent clairement. On en déduit, par exemple, que le peintre aime le jaune et les éléments circulaires. Quant on arrive à Entoto, dans l’espace où travaille Zelalem Merga, les choses sont plus complexes.
La peinture ou l’assemblage ne tiennent pas dans un espace déterminé. Ils sont partout. L’atelier est partout, jusque dans le potager où le couple se consacre à l’agriculture biologique. Jusque dans la classe de gamins qui vont venir, un peu plus tard dans la matinée, pour un atelier créatif. « « I Love Art Entoto » est un espace d’hospitalité, de travail communautaire, d’expérimentation, c’est collectif et personnel, et le moteur de tout ça, est de ressentir une réelle harmonie avec tout ce qui nous entoure, notre couple, nos relations aux autres, notre peinture. », explique-t-il très simplement.

Il n’y a donc pas d’étanchéité entre les volumes qu’il habite. Aucun risque de tomber sur un mur qui empêcherait la libre circulation entre les pièces.Ses expériences en permaculture revêtent autant d’intérêt graphique que le regard passionné qu’il porte sur le travail de Picasso. Ses dernières toiles ont largement exploré cette direction.Ou plutôt, elles ont ouvert des brèches, à la façon d’une germination. La plante cherche à s’extraire du sol, de la forme initiale. Elle trouve un cheminement, dans la pierre, dans la terre, jusqu’à l’air libre.
Jusqu’ici Zela avait beaucoup travaillé la récupération. Ses expositions collectives au Muséum national d’Addis (2017), puis en Allemagne (Mainz et Leipzig, 2017), puis à l’Alliance Ethio-Française (2019) ont beaucoup intéressé. Une recherche visuelle très aboutie,sur la fragmentation, la reconstitution visuelle (visages, scènes, représentations politiques) par l’assemblage de particules (CD, téléphones, bande magnétiques…) récupérées. Notre environnement moderne, consumériste, abonde de pistes et de messages plus ou moins audibles.Dans la forme et dans le fond.
Cette fois, Zelalem Merga plonge dans un volume plus intuitif. Des grands formats qui disent cette fermentation de la lumière, du sentiment, de l’attente et de l’accomplissement, qu’il créatif, éducatif ou amoureux.
Il évoque « la recherche personnelle de l’harmonie ». La musique tient alors une place essentielle… et les classes d’enfants aussi. Il note de manière répétée « leur capacité de créer, sans retenue, sans contrainte, à partir de rien, de plonger dans leur rêve. J’ai eu cette chance de connaître ce soutien dans ma famille. Ma père et mon père croyaient dans ce que je voulais faire. »
Les années passent. Les époques se succèdent. A un moment, un type d’expression domine, et puis Zela s’en éloigne, il pense à autre chose, qui n’a rien à voir avec l’atelier, mais qui lui est tout aussi indispensable. La couleur est dedans, elle est dehors, comme le geste de peindre, de rassembler les tubes, les pigments naturels,les objets abandonnés… et l’énergie. Tout est prétexte. La maison de l’art.

Roger Calmé (ABA mag’)
Photos : ©Zelalem Merga
Contact FB : https://www.facebook.com/zelalem.merga
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tél. : +251 966 24 40 58
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