L’écriture cultive le vide, le non-dit, qui permet de prolonger un personnage, une situation, un paysage. De la même façon, la photographie… Les années 80 ont largement exploré cette zone du non-palpable, du non-visible. Photographies urbaines, road movies existentiels, dans les sables qui commencent et le midi vertical. Le cinéma de Wenders qu’il affectionne, les photographies de Bruce Davidson et cette attente immobile, devant Long Island, un jour de brume solaire. Ceci dit, il n’y a pas que l’Amérique…
Distanciation. Ardente, amoureuse, dans le rejet et l’attirance. Ça colle idéalement. Des gens marchent dans le désert avec des pancartes masquées.
Khalil Nemmaoui est un photographe qui se moque bien des époques. De vous à moi, nous le soupçonnons de rouler dans une Renault 12, voiture qui est une sorte de non-voiture, de forme transitoire. Il la gare aux abords d’un terrain de foot, dans une lisière du désert marocain. On suppose que le ballon passe au dessus des euphorbes et qu’il faut se piquer les jambes pour aller le récupérer. Vous connaissez peut-être Zagora, et cette route improbable qui longe de djebel Bani.
C’est une photographie pleine de retenue, qui n’est pas un épanchement, mais une longue plainte du vent. Plusieurs fois présent à Bamako, sa série « la Maison de l’arbre » avait remporté le Prix de la Francophonie en 2011. Cette fois encore, on le retrouve (avec bonheur) dans cette collective montée par Hicham Daoudi, et dont le thème est la… distanciation. Ardente, amoureuse, dans le rejet et l’attirance. Ça colle idéalement. Des gens marchent dans le désert avec des pancartes masquées.
Roger Calmé (ZO mag’)
Photos : ©Khalil Nemmaoui
Distance ardente (déc. 2020 à juil. 2021), MRAC, 34410 Sérignan.
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