Dans une rencontre idéale, les différences ne marquent plus de cloisonnement. La couleur comme la matière sont en résonance. Bien sûr, les choses, les opinions et les visages portent des noms propres mais ils s’accordent des terrains d’entente. C’est idéal, direz-vous, mais également nécessaire pour affirmer autre chose que la puissance, l’hégémonie et entrer dans la nature plurielle. Le travail photographique de Louis Oké-Agbo participe activement à ce principe. Activement, parce qu’il se limite pas à la seule photographie.





Son parcours n’y est pas étranger. Aîné d’une famille polygame, il a été sollicité très jeune pour aider aux revenus des siens. Son placement chez des patrons, la maltraitance, l’ont profondément marqué. Et puis, il y a ce miracle de la photo, et ce sentiment également, très jeune, que le souvenir a toujours une grande importance. Il marque l’homme, il lui imprime une trace.
« Transcender cette barrière qui permet de passer de la normalité à la folie m’a appris énormément de choses et a fait grandir mon travail. «
En ouvrant des ateliers thérapeutiques (2010) avec le centre psychiatrique du Bénin, Louis Oké-Agbo pose ainsi ses premières passerelles. « Créer ces ateliers d’expression participait à améliorer leur condition alors qu’on ne les abordait jusque-là qu’avec des médicaments, sans politique de suivi, » explique-t-il. Une proximité qui tisse évidemment des liens et une acceptation partagée. La folie n’est pas un autre monde. Il est possible d’abolir ce mur, haut et électrifié.

Dans une interview, Louis Oké-Agbo parle d’ailleurs de la folie comme d’une « qualité ». « Elle permet de rompre cette barrière qui existe entre les gens dits « normaux ». Nous ne cherchons plus le lien véritable avec l’autre, nous ne se questionnons plus sur notre rapport à lui. Transcender cette barrière qui permet de passer de la normalité à la folie m’a appris énormément de choses et a fait grandir mon travail. » Et de la même façon, il ira chercher dans la pratique du vaudou la restitution des liens. Liens à l’autre, relation à la Terre, à l’invisible, sans lesquels nous sommes incomplets.
Aix-en-Provence présente à partir d’octobre le travail de Louis. Cette exposition « en regard » propose la rencontre entre des photographes d’Afrique de l’ouest et des Français. Les styles et les inspirations peuvent être proches ou différentes. Les regards se croisent. Et sur les images de Louis Oké-Agbo, des ombres, des lumières glissent. Les corps et l’âme sont aussi des temps croisés, des interférences. Au dedans et au dehors, à la surface comme dans l’épaisseur, le temps mélange ses racines.

Roger Calmé (ZO mag’)
Photos : © Louis Oké-Agbo
7 octobre au 28 décembre 2020, Regards Croisés.
La Fontaine obscure, tél. : 04 42 27 82 41
et http://www.fontaine-obscure.com
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