Chaque visage livre un message, volontaire ou non. Cet après-midi de 1945, au studio « African Photo », à l’angle des rues Blaise Diagne et 31, Fatou A., belle épouse d’un grossiste en arachides, semble avouer son ennui. Dans chaque regard, dans la position des mains et l’inclinaison du visage, un aveu. Cette enfant par exemple, le regard perdu dans le lointain, à quel avenir songe-t-elle ?
Quand il ouvre en 1943 son studio dans la Médina de Dakar, Mama Casset a déjà dans l’ idée de fixer sur le film cette bourgeoisie sénégalaise. C’est un ami de son père, le photographe Oscar Lataque, qui l’a formé dans les années 20. Plus tard, engagé volontaire, il exerce aussi dans l’armée de l’Air, où il réalise à la fois de l’image aérienne et des reportages de société. Cette fois, c’est le portrait qui l’intéresse. On dira souvent que Mama Casset est un photographe du dépouillement. Aucun recours à l’artifice exotique, seule compte l’expression. Mais chaque fois, le cliché touche à une vérité. Entre le photographe et le modèle, la photo est un dialogue qui traduit à la fois la séduction, l’humeur passagère, et l’incontrôlable qui glisse au travers sa part d’invisible.





Aucun recours à l’artifice exotique, seule compte l’expression. Mais chaque fois, le cliché touche à une vérité.
Dans les années 80, Mama Casset exerce encore, jusqu’à ce que sa maladie des yeux referme le boîtier. En 1982, l’incendie de son laboratoire détruit une grande partie de son œuvre. Depuis sa mort en 1992, il était tombé dans l’oubli. Il faudra attendre le travail de la Revue noire, le festival de Cacigny 2017 et une exposition madrilène l’année suivante, au Círculo de Bellas Artes, pour le sortir (un peu) de l’oubli. Un pionnier resté inconnu. Dakar devrait lui consacrer bientôt une rétrospective.

RC (ZO mag’)
Photos : la Revue Noire
* « L’élégant Sénégal de la première moitié du XXe siècle », Círculo de Bellas Artes à Madrid, août 2018.
Laisser un commentaire