Angola / Yonamine / COCKTAIL EXPLOSIF

Qu’il s’agisse des relations avec la puissance coloniale (Portugal) ou du regard qu’il porte sur le pouvoir local et tentaculaire (Angola), Yonamine est un artiste de parole. Entendez par là, qu’il ne la ferme jamais, tout en sachant introduire une suffisante ironie. L’exposition de 2016, à Lisbonne, montée par Christina Guerra ,resitue parfaitement sa démarche. Un mur tapissé de toasts, des azulejos alimentaires, avec la répétition d’un même visage et de trois chiffres : zéro, un et huit. Venons-en au fait, le visage est celui de José Eduardo dos Santos et le code chiffré parle l’infini pouvoir de cet homme et de accumulation des richesses (symbolique du 8 dans la Kabbale).

En 2004 déjà, au moment de ses premières expos, Yonamine portait un regard réellement critique sur la société et les conséquences de la colonisation portugaise. « Tuga Suave » (Soft Portuguese) présentait ainsi en 2009, toujours chez Christina Guerra, un recyclage pictural de l’objet d’importation (cigarettes) et de sa permanence toxique et graphique dans le paysage. En utilisant tous les supports imaginables (photo, vidéo, collage, installation, street art, ou body art…), il insinue cette toute puissance du marché et de la mercantilisation répétée des rapports. La pauvreté est une formidable pompe à fric.

Dans un pays où la liberté de parole est interdite, ils affichent des interrogations chargées de sens sur la pauvreté, la disparité galactique des moyens matériels et la pauvreté pandémique.

Depuis cette époque, la bouche ne s’est pas fermée. Il y a quatre ans, Yanomine et l’artiste thaïlandais Pratchaya Phinthong s’associent pour un accrochage singulier, cette fois au Zimbabwe. Sur le principe du samizdat (en anglais « self, by oneself »), accrochage contestataire à l’époque du socialisme triomphant, les deux artistes ont placardé sur les arbres du pays des centaines de messages ironiques et ambivalents. Dans un pays où la liberté de parole est interdite, ils affichent des interrogations chargées de sens  sur la pauvreté, la disparité galactique des moyens matériels et la pauvreté pandémique.

Possible synergie avec une Asie graphique, porteuse en son temps (années 50) des mêmes dissidences.

Présenté à Paris, lors de l’expo Chine-Afrique, ce travail est de ceux auxquels il faut doublement s’intéresser. D’une part, la parole sociale et politique demeure centrale en Afrique. Elle sous-tend quantité de recherches plastiques. De l’autre, elle montre aussi, au-delà des rapports avec l’Occident, la possible synergie avec une Asie graphique, porteuse en son temps (années 50) des mêmes dissidences. Si la dialectique n’est plus tout à fait la même, elle conserve une puissance de feu. Les couleurs changent, le rouge est moins rouge certes, mais le cocktail toujours explosif.

Roger Calmé (ZO mag’)
Photos DR

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