Certains territoires sont assez faciles d’accès. Ils sont d’un côté ou de l’autre, mais une route y conduit. Des panneaux indicateurs et des paramètres physiologiques (vie/mort) ouvrent les sas. Par contre, d’autres secteurs sont beaucoup plus indécis. La peinture de Yassine Balbzioui voyage dans cette zone incertaine. Elle pourrait être imaginaire, mais on voit bien qu’elle s’ancre aussi dans une figuration indéniable. Pour tout vous dire, ça se passe tous les jours et il va falloir faire gaffe.
La création marocaine est aujourd’hui un formidable chaudron. Balbziou appartient à cette génération libre, qui s’est affranchie du modernisme et de certaines convenances post-coloniales. Mahi Binebine a ouvert la voie. Beaucoup ont suivi ensuite. Aujourd’hui, ils sont une dizaine à l’image de Yasmine Hadni, Nabil El Makhloufi ou Mariam Abouzid Souali, cherchant « à créer des fictions qui bousculent le rapport à l’ordinaire et à établir un dialogue puissant avec les spectateurs ».

L’univers de Balbzioui est de cette essence. «Chaque peinture contient trois ou quatre histoires, pas une seule », expliquait-il lors de son expo à Londres, chez Kristin Hjellegjerde. Des personnages qui portent des masques. Voilà une chose qu’il faut réfléchir. Dans une société qui déplace les appartenances, les inscriptions identitaires, le jeux des ressemblances, chaque personnage est multiple, chaque situation remplie d’ambivalence. « Nous jouons tous des rôles », répète-il volontiers dans ses interviews. « C’est une représentation qui participe à la fois de la survie, de la quête, du pouvoir… » Son site internet abonde aussi de références littéraires à ce sujet. Yassine Balbzioui le peint ensuite avec une remarquable lucidité. A l’image de ce groupe d’hommes, qui semblent avoir creusé une tombe, pelles à la main, visages masqués… et qui s’apprêtent à mettre en terre un tournesol.
C’était aussi le cas de cette peinture « YellowBoy ». Le portrait d’un petit garçon, dans une cape de super-héros, portant un masque jaune. Ça n’allait pas très fort. On voyait bien que dans cette histoire qu’est la vie réelle, une chose lui manquait. A moins que ce ne soit l’inverse!

Roger Calmé (ZO Mag’)
Remerciements à Kristin Hjellegjerde
yassinebalbzioui.com
Laisser un commentaire