Peinture / AVANT QUE L’IMAGE NE DISPARAISSE

Il ne faudrait pas que notre toute puissante civilisation du plastique amène l’oubli de celles qui l’ont précédée. C’est souvent le cas avec l’émergence d’un temps moderne. Il ignore, il démonte, il enfouit… et les humains, abandonnés à la modernité, ont du mal à s’y retrouver.

Ils tournent, les yeux exorbités, le bouton de la télé.

Jean-Laurent Koné Zié ne regarde pas trop le poste fétiche. Ce qui l’intéresse, ce sont les histoires du royaume senoufo, les croyances yoruba, les symboles cosmiques de la Falaise (Bandiagara). Et sa peinture reprend les déplacements anciens . On y croise les sept plaies de l’Égypte, la sécheresse, la guerre, la perte d’un jumeau et les emballages jetables. Percussions d’époque, servies par un dessin épuré, femmes et hommes de la côte de l’Or, guerriers, paysans et dieux au quotidien.

« Nous devons être le fondement de notre développement . Notre culture a un sens profond»

Une simple question lui revient d’une peinture à l’autre : « Comment vivaient les Africains avant l’arrivée du pétrole, du pagne wax, de la religion ? Comment nos sociétés étaient organisées ? Et comment nous mettons-nous en rapport avec ce monde actuel ? »

Un commencement de réponse se dessine. Sur des animaux de bât, passent d’étranges créatures « hybrides ». Plus loin, une foule attend, dans la résignation des postures, le soutien et la compassion… Une humanité égarée, en pointillés souvent, comme une image qui se construit (ou s’efface). « Nous devons être le fondement de notre développement . Notre culture a un sens profond», suggère-t-il en réveillant les mythologies oubliées. Les toiles de Koné Zié participent au message. Ces terres ne sont pas inconnues.

« Comment vivaient les Africains avant l’arrivée du pétrole, du pagne wax, de la religion ? Comment nos sociétés étaient organisées ? Et comment nous mettons-nous en rapport avec ce monde actuel ? « 

RC (ZO mag’)
Photos DR et ©Jean Laurent Koné Zie.

L’envers de la toile
On n’ira pas plus loin

Attention virage dangereux. Il en est de la société comme du groudron national. Une flaque d’huile et notre époque part dans le décor. Jean Laurent Koné Zié n’entend pas jouer les moralisateurs, mais il avertit qu’à cette allure… Il y a une semaine, le peintre ivoirien terminait cette toile. Elle s’appelle « Premier gaou ».

« Dans l’argot populaire, le gaou ( gawa, brezo) est une personne naïve, un peu sotte et totalement crédule. On a commencé à l’employer au milieu des années 90. Et je le trouve bien approprié à la société actuelle, explique-t-il en préambule. « Donc mon gaou est un personnage habillé de façon extravagante en tissu wax aux couleurs vives, assis sur sa mobylette. L’ensemble de la composition est faite de collages de tissus et de pointillés soutenus par des couleurs vives. Dans ce mélange, je parle de la dépravation des mœurs. Aujourd’hui, il ne faut plus lui parler de travail. L’important, c’est de paraître. Mon gaou veut posséder. Une voiture, ce serait pas mal, une moto aussi. Là, il sera un vrai citoyen. Donc je veux dire à mon gaou, plus exactement au premier gaou de ne pas se laisser avoir par cette société urbaine et totalement abardie. Ce n’est pas le vice, l’alcool, la corruption qui peuvent servir de repères.  » Bref, notre gaou n’a peut-être pas choisi la bonne combinaison.

Reprendre les choses dans le bon sens ? C’est possible, pour Jean-Laurent. « Le premier gaou n’est pas gaou, mais le second qui devient alors « gnata », lui il est vraiment idiot. » Il n’est jamais trop tard pour faire demi-tour. En saison des pluies, certaines routes ne sont pas praticables.

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