La magie n’est jamais loin. Ce n’est pas une façon de se cacher ou de fomenter des coups d’état spirituels. Simplement qu’elle apparaît dans la croissance du tubercule et les yeux de la femme-homme-sardine. La magie est à la fois notre mémoire et notre futur. Notre racine et notre pollen. En somme, elle assure la continuité… et c’est pas le dernier modèle de berline japonaise qui pourrait s’en occuper. (sourire)
Un jour, vous allez rencontrer Dzikamai Nyahunzvi. C’est une possibilité très réjouissante. On croise dans ses tableaux d’étranges créatures, qui ont passé la nuit à voyager par dessus les toits. « Mon langage visuel se débat avec l’incompréhension de l’existence des forces naturelles dans un espace et un temps », explique-t-il. Qu’il s’agisse de la toile, ou de la société, ça participe un peu de la même manière. Il y a des superpositions, des époques anciennes apparaissent ou disparaissent. Elles laissent des fragments de messages. Nous cherchons à les décrypter, grâce à des langages oubliés. La magie en est un.

Depuis l’obtention de son diplôme d’art (2015), son travail tourne donc autour de cette percussion. On peut avoir grandi dans les townships, être quotidiennement confronté à des formes débauchées de technologies et conserver de puissantes attaches aux grouillements lumineux de l’Envers. Que ce soit au Zimbabwe ou de l’autre côté du « Rideau de plastique », ce dialogue cosmique passionne. Aucune répétition, des explorations qui laissent à penser que le « voyage » a commencé… bien avant la peinture.
En attendant, ses personnages prennent possession. Ils sont issus des contes anciens, éclairés de réminiscences fluo. Lèvres peintes, dialogues vodous. Et puis ces molécules, des amibes en balade virale, qui dessinent déjà des possibilités de bras. Tout ça est à l’extérieur et dans le dedans des choses, de ton sourire et de ma peur infinie. Option Dzikamai fréquente des lieux singuliers, un peu de la même façon que Portia Zvavahera, peintre compatriote. A cette différence que le cauchemar prend ici le pas sur la volonté du Divin. Les couleurs sont les mêmes, mais l’échéance plus douloureuse.
C’est très effrayant, et c’est ce qui nous attend.

RC (ZO Mag’)
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