Les titres qu’elle met sur ses peintures suffisent pour partie. Ce sont des mots assez terribles, parce qu’ils sortent de sa propre enfance. Un jour, sa mère a disparu. Elle avait dix ans et Adja Ouedraogo est restée seule avec ses petits frères. Alors les tableaux redisent cette absence, un élément sur lequel se construire et que la peinture lui permet de dire.
« J’ai toujours été timide; il m’est très difficile de faire ressortir mes sentiment oralement. L’art pour moi est un grand moyen de m’exprimer vis-à-vis du monde. Il me permet de vivre des choses extraordinaires dans un univers propre à moi. », dit-elle souvent. Des choses qui sont tellement ancrées et qui mettent souvent la main sur la bouche, empêchées, contraintes et dans les yeux, l’interrogation qui se pose toujours. On refuse trop la parole aux enfants.



« L’art pour moi est un grand moyen de m’exprimer vis-à-vis du monde. Il me permet de vivre des choses extraordinaires dans un univers propre à moi. »
Depuis le départ, sa peinture fait voler en éclat les entraves, les restrictions, le silence imposé. Et ce silence-là est partout, bien au-delà de sa propre expérience. Bien au-delà de la stricte peinture. Adja télescope les médiums. Acrylique, papiers journaux, collages, cinéma d’animation… Et un ancrage militant toujours plus forte. Elle le disait en 2014 : « Trop souvent, les artistes disent qu’ils ne peuvent pas agir sur le monde qui les entoure. (…) L’art doit aider à faire tomber les murs qui nous enferment et dénoncer les mystifications. »
Résilience de la parole
A trente-neuf ans, ses visages continuent d’exprimer l’étonnement, parfois la difficulté à s’endormir, la peur face à cette obscurité qui monte. Adja procède ainsi de la peinture comme d’un bain corrosif et révélateur. La bouche de l’enfant n’est plus une place muette, mais un plein. Parler de cette enfance, c’est parler de l’humanité toute entière.
En avril dernier, le Goethe Institut de Ouagadougou lui ouvrait ses murs. Dans la plaquette de présentation, la référence est une fois encore double. Son enfance d’une part, et le combat de l’autre, la résilience de la parole, qu’il s’agisse de peinture ou de cinéma. Vingt années de combat. Guerrière timide et efficace.
Roger Calmé (ZO Mag’)
Photos: A. Ouedraogo
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