Entre le Plateau (Abidjan) et la 5ème avenue (New-York), Loza Maléomboh balade ses collections ethno-éthiques. De la haute couture, à la fois constructive et destroy, du stylisme qui remue les codes.
Vous pourriez –avec un peu de chance- la croiser aussi bien dans un atelier de couture new-yorkais qu’au marché d’Adjamé. Discrète, dit-on, mais d’une énergie de lionne, à réduire en poussière tous les codes et les certitudes de la haute couture. A 30 ans, Loza Maléomboh n’a pas le temps des demi-mesures. C’est à la dynamique, munitions de soie, de lin, cartouches de tulle et de coton destroy, qu’elle revisite le style planétaire. Rien de très étonnant qu’une de ses collections ait pris le nom d’ « Alien Nation». Loza débarque d’ailleurs. Descendue d’un atelier intergalactique, africaine de sang et sidérale d’inspiration.
Multiculturelle, mais aussi fondamentalement black, la jeune femme a grandi entre le Brésil et les States. C’est là qu’elle fait ses études d’infographiste, option art, avant de se rapprocher de la mode. Première collection « LM » en 2012, et déjà une « patte » très personnelle. Jupes évasée, un hommage permanent à la silhouette, mais dans des coupes explosées, volontiers asymétriques, des rigidités qui peuvent évoquer des cuirasses guerrières. Le travail éveille l’intérêt… d’autant qu’il pose à chaque rendez-vous une rythmique différente, avec des allers-retours entre l’Afrique et la galaxie d’Andromède. L’Afrique justement qui revient toujours au cœur de son sujet.
« Imaginez, dit-elle, rien qu’en Côte d’Ivoire, avec près de 60 ethnies, nous avons un patrimoine esthétique peu ou pas utilisé dans la mode. J’ai envie de le sortir de l’ombre, de le valoriser. » Pas question d’oublier le port d’attache, auquel son navire (spatial) reste souvent attaché. Six mois par an au quai de New-York, le restant sur la lagune Ebrié. « Ici, j’ouvre ma parenthèse créative, j’ai toutes les matières premières qui m’inspirent », expliquait dans un article au Point.



« Promouvoir l’élégance et la beauté noires, exposer ma fierté d’être une femme noire. »
Un peu partout, on parle de success story. C’est vrai, Vogue Italia l’a plusieurs fois agrafée, la styliste Solange Knowles la cite en exemple et les influenceuses susurrent son prénom. Miaou-miaou. Mais rien qui la trouble vraiment. Sereine, et bien décidée à faire passer son message. Le meurtre de Mickael Brown, un jeune noir de 18 ans abattu par un policier blanc, ne fait que renforcer la conviction. La colère permanente contre toute forme de ségrégation, le rejet des différences vécues comme des barreaux, la nausée de cette hiérarchisation culturelle. « Après ce qui s’est passé à Ferguson, j’ai senti un sentiment de désespoir sur les réseaux sociaux et dans les rues de New York. J’ai voulu promouvoir l’élégance et la beauté noires, exposer ma fierté d’être une femme noire. » Sa réponse ne sera pas dans la violence, mais une série de selfies, mise en scène personnelle, coiffée d’animaux, de machines à coudre, de fleurs mortuaires… Attention, derrière l’image, le sens. A la façon de Thebe Magugu, robes à tiroirs, messages sans dentelle. L’Afrique a des priorités et la femme une place.
Au final, c’est au Plateau d’Abidjan qu’il faudra la surprendre. Dans ce modeste immeuble, sous un immense manguier, son showroom respire la discrétion. Au mur, un tableau noir et des citations de Maya Angelou, de Lupita Nyong’o… Des phrases qui disent l’humilité nécessaire et la conviction fondamentale. Deux qualités aussi importantes que la maîtrise des ciseaux et des textiles baoulé.
« Ici, j’ouvre ma parenthèse créative, j’ai toutes les matières premières qui m’inspirent »

Roger Calmé (ZO mag’)
Photos DR
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