ruby onyinyechi amanze / Un astronaute sous le bras

L’artiste nigériane ruby onyinyechi amanze (*) a une autre façon de voir ses origines. Elle doit être née d’un déplacement de matières, de sentiments et de mémoire. La fluidité est au cœur de sa vie.

Finalement, il s’agit toujours de ça. Au fin fond d’une jungle ou d’un repli secret de l’espace. L’une des premières choses que deux humains se demandent quand ils se croisent. « Et vous, vous êtes d’où ? » C’est une interrogation grave, le plus souvent, en tous cas indispensable si l’on veut mieux comprendre son interlocuteur. Du moins le pense-t-on. Et vous répondez que vous venez d’un petit village, d’une mégalopole immense, de l’autre côté du fleuve, entre le ciel et le troisième pâté de maisons, après le feu rouge.La personne va hocher la tête et vous taper sur l’épaule.

« D’où venez-vous, ruby onyinyechi amanze (*)? » L’artiste nigériane vous regardera et sourira. Certainement. Elle est née à Port Harcourt, elle a quitté toute jeune l’Afrique pour l’Angleterre et l’Angleterre pour les Etats-Unis. Aujourd’hui, elle est souvent à Lagos. Les migrations sont toujours traitées comme des voyages tragiques. La sienne est une fabuleuse occasion de liberté. Et cette liberté, elle la dessine, d’une manière étrange et virtuose. Ne vous étonnez pas si le monde devient chez elle hybride, sphinx ou Alien. Et dans les avions qui sillonnent le ciel, ils ont tous des places assises.

« Je fais partie d’un «pays» sans frontières et vaste. Nous n’avons pas de masse terrestre. Mais l’espace est légitime. »

 Je sens qu’elle (la vie) est enrichie par ces multiples foyers.
Sur l’une de ses œuvres, un léopard flegmatique semble tenir sous son bras (humain) un astronaute, lequel tend une main vers un visage de femme empli d’étoiles. C’est un songe ? Si on veut. Ou bien un raccourci de nos existences. En tous cas, c’est ainsi que l’artiste conçoit le déplacement de nos vies. « Je sens qu’elle (la vie) est enrichie par ces multiples foyers. Je rencontre des personnes du monde entier qui ont vécu des expériences transcontinentales similaires et je sais que je fais partie d’un «pays» sans frontières et vaste. Nous n’avons pas de masse terrestre. Mais l’espace est légitime. » C’est d’une beauté absolue (le dessin) et d’une exactitude parfaite (géographie possible du monde).

L’autre question serait de lui demander quand tout cela a commencé. Puisque ce n’était pas dans un lieu unique, pas dans une cuisine, pas dans un garage. « Toute enfant. Je sais que l’art a été ma passion. Alors j’ai fait. Et ma conviction était implacable. » Le choix du dessin ?
Parce qu’il est profondément enraciné dans notre histoire. « Nous dessinons parce que nous sommes humains. Nous sommes obligés de marquer notre existence. »

Aller dun point à un autre, emprunter différents moyens de transport et de métamorphose aussi. Etre.

Diplômée à la Canbrook Academy of Art, Michigan, en résidence d’artiste au Queens Museum de New-York, Fulbright Scholars Award, elle a enseigné aussi à l’université de Lagos… et ses expos sont planétaires. Le monde est en mouvement, la planète est une mutante. Les identités ne reposent plus sur l’inscription géographique ou nationale mais deviennent fluides et multiples. D’où venez-vous, où irez-vous ?

(*) Elle préfère que l’on orthographie son nom en minuscules.
Roger Calmé (ZO Mag’)
Photos: ruby onyinyechi amanze

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