Les peintres appartiennent à la peinture. Ça semble évident, mais c’est toujours bon de le rappeler. Bien sûr les origines sont importantes. Il y a toujours sous vos pieds une terre qui vous porte. « Mais l’essentiel, c’est ce que vous en faites, comment vous allez la pétrir et l’étaler. Tout est possible. Le bon et le mauvais. On peut tout faire. »
Harouna Ouedraogo vient de régler d’un coup de pinceau toutes les interrogations qui font perdre du temps. On lui demande souvent, par exemple, s’il hésite entre l’abstrait et le figuratif. Parce qu’à certains moments, la brosse n’en fait plus qu’à sa tête. « Je ne pense pas dans ces termes, sourit-il. Je dirais que les choses viennent naturellement. Certains sujets, certaines émotions demandent d’être traitées d’une certaine façon. Ce sera abstrait et ça s’impose comme tel. Je n’ai pas besoin d’y réfléchir. » Ce n’est pas la manière qui détermine mais le sentiment qui précède. Tiens, aujourd’hui, il y a des fruits sur la tête de cette femme. Demain, ses boxeurs seront quasiment abstraits. Seul un gant accrochera la lumière.
La question existentielle a donc peu de chance de lui compliquer la vie. « Je me vois plutôt comme un haut-parleur, qui diffuse de la musique. Elle vient d’un peu partout, je la capte. » Qu’il soit ici, ou dans sa ville natale, à l’intersection des nationales 2 et 15, qu’il retrouve son ancien collectif Hangar 11 à Ouagadougou, il reste toujours en écoute maximale. Ce sera la rue, ce sera une femme avec des fruits sur sa tête, ce sera l’actualité, comme celle d’aujourd’hui qui nous fait ouverts et fermés. Et au bout ce que la peinture en fait, des ombres ou des lumières, des visages brouillés et étonnamment clairs, qui disent beaucoup, sans avoir à prononcer une parole.

« Certains sujets, certaines émotions demandent d’être traitées d’une certaine façon. Ce sera abstrait et ça s’impose comme tel. Je n’ai pas besoin d’y réfléchir. «
Depuis quelques semaines, le peintre s’intéresse à des visages quasi monochromes, des traits rapides sur des ombres grises, des visages creusés par l’urgence. Cette fois-ci, la couleur devient rare. Alors que les toiles habituelles brassent à l’abondance l’orage et l’embellie. Pas d’explication à ça, juste un besoin d’expressionnisme, de formulation essentielle. Il vit ainsi son confinement, avec encore plus de temps pour peindre, et c’est bien le principal.
Avec tout ce qui se passe, difficile de dire ce qu’il fera demain. Quelques jours avant le confinement, il était à Paris, à la galerie Art-Z (Olivier Sultan) autour de l’idée de combattre (Keeping Fighting). C’est une idée qui lui va bien. Ou encore celle que défendent des gens comme Amadou Sanogo. Voilà une démarche qu’il apprécie. Peindre, sans se soucier des autres, de la culture dominante, sans se soucier de la couleur de l’endroit, blanc ou noir. Faire les choses par soi-même, aller au bout de ça. C’est tout et c’est bien le plus difficile.
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Roger Calmé
Photos Harouna Ouedraogo
Contact: www.facebook.com/harounaoart
Repères:
Harouna Ouedraogo est né en 1981 à Ouahigouya, dans le nord du Burkina. Diplômé de l’Institut National de Formation Artistique et Culturelle du Burkina Faso (2004), il vit entre le Burkina et Lyon (France).
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